Dans l'univers, beaucoup d'étoiles vivent en couple. Elles sont deux à partager le même centre de gravité autour duquel elles tournent inlassablement. Mais s'ils existent de vrais couples d'étoiles, il en existe aussi de faux. Les faux couples d'étoiles ne sont liés que par un effet de perspective : des étoiles qui nous semblent proches depuis la terre peuvent en réalité être séparées par des dizaines d'années lumière.
Qu'ils soient vrais ou faux, ces couples d'étoiles ont donné aux hommes l'envie d'en faire de véritables histoires d'amour : on trouve là-haut l'équivalent des Roméo et Juliette d'ici bas !
Vega et Altaïr sont un couple très célèbre : voici donc l'histoire de la tisseuse et du bouvier, telle qu'on la racontait en Extrême-Orient il y a plus de 3000 ans.
Il fut un temps où le Ciel était habité par un empereur. Cet Empereur du Ciel avait sept filles qui, réunies
autour de leur père, illuminaient le ciel comme des étoiles.
La plus jeune d'entre elles était la plus jolie.
On l'appelait « la Tisserande », car son père l’Empereur lui avait donné pour mission de tisser, de ses longues et fines mains, les nuances du temps et de
broder les brocards célestes.
À l’aide de délicats pastels, elle brodait l’aube
scintillante des rosées du printemps.
Elle colorait d’un
pourpre éclatant les soirs d’été sous le soleil couchant.
Elle
assemblait les feuilles ocres, jaunes et rouges qui
virevoltaient dans les ciels d’automne.
Elle tissait les
flocons immaculées des après-midi froids d'hiver;
Mais, tout là-haut dans le ciel, Jik-nyeo s’ennuyait. « Comme c’est lassant de passer ses
journées à tisser ! », soupirait-elle.
"J’aimerais bien descendre sur la Terre ! s’exclama-t-elle un jour, alors qu’elle regardait,
depuis le ciel, le monde qui s’étalait à ses pieds.
— Mais tu sais bien que tu n’as pas le droit ! répondit sa sœur aînée, notre père nous l’a
interdit !"
Mais la cadette ne voulut rien entendre et tout doucement, elle se laissa glisser le long du fil d’argent qui, habituellement, lui
servait à tisser les saisons du ciel.
Quelques instants plus tard, elle se retrouva sur Terre.
Autour d’elle, elle découvrait avec enivrement l'enivrant parfum des fleurs des cerisiers, sentit une brise légère caresser ses joues, sentit crisser sous ses pas les brindilles et les fougères.
Elle s’enfonça dans la forêt et se retrouva
face à une cascade, au pied d’une petite rivière.
Il faisait si chaud dans le bois, et l’eau de la cascade
paraissait si fraîche, qu’elle ne put résister : la jeune fille se déshabilla et plongea dans l’eau bleutée de la rivière.
À quelques pas de là se trouvait un jeune homme chargé de garder des buffles. Les gens de son village l’appelaient "le bouvier" car tous avaient oublié son prénom. Il faisait chaud, ce jour-là, et le jeune homme était venu près de la rivière pour faire boire ses
buffles. Soudain, il s’arrête. Non loin de lui, dans l'eau pure de la cascade, se trouve une
magnifique jeune fille.
Tremblant d’émotion, il n’ose pas se montrer. Il se cache
derrière un arbre et observe la nageuse.
— Comment oserais-je approcher cette beauté ?
murmure-t-il, intimidé.
— Dérobe-lui ses vêtements ! suggére un des ses buffles, le plus taquin du troupeau
— Je ne sais pas si c’est une bonne idée... Mais le jeune homme, troublé par la déesse, ne semble plus avoir toute sa tête. Il
subtilise la robe de la jeune fille et retourne se cacher derrière un arbre.
Lorsque la fille de l'empereur du ciel sort de l’eau, elle ne
retrouve pas ses vêtements. À la place où elle avait laissé ses habits, un buffle broutait
— Buffle, as-tu vu ma robe ? demanda la Princesse du Ciel.
— C’est mon maître qui a tes vêtements !
Furieuse de l’intrépidité du jeune voleur, la Princesse du Ciel sent la colère l'envahir... Mais, lorsqu’elle
aperçoit le Bouvier, elle s’arrête net, et l’expression de son visage se radoucit.
Jamais, parmi toutes les richesses merveilleuses du royaume de son père, elle n’a vu si fier jeune homme, aux traits purs et délicats.
En un fragment de secondes, Jik-nyeo comprit qu’auprès de ce jeune
homme, plus jamais elle ne s’ennuierait : elle a trouvé enfin la partie d’elle-même qui,
jusque-là, avait manqué à son bonheur.
Après cette rencontre, tout fut simple. Les deux amants se marient et s’installent
dans une modeste demeure au pied des montagnes.
Mais, depuis le départ de la Princesse du Ciel,
il n’y avait plus personne pour tisser les couleurs du temps. Le ciel, désormais, restait perpétuellement immobile
dans la pâleur des jours uniformes. Les heures, les mois et les
saisons ne venaient plus inventer leurs coloris magiques dans le ciel.
Face à ce ciel désormais vide et incolore, l’Empereur se met en
colère. Il hurle avec fureur, et toute l’étendue du ciel tonne dans un
orage d’une violence extrême.
— Qu’on me ramène ma fille à l’instant ! rugit-il
Aussitôt, un des serviteurs du Tout-Puissant se précipite sur la Terre et, sans
ménagement, enlève la jeune Jik-nyeo de la douceur de son foyer.
L’Empereur du Ciel n’est pas même ému de revoir sa fille après une si longue absence. Il
la fait ligoter à un nuage et lui commande de reprendre le tissage des brocards célestes.
Mais plus rien n’est comme avant ; la princesse, d’une tristesse infinie, pleure tant que, sur Terre, il se met à tomber des trombes
d’eau semblant annoncer un déluge immense.
De son côté, son amant éperdu est envahi par la même tristesse. Avec courage, il décide un jour de monter jusqu'au ceil.
Aux portes du ciel, il aperçoit l’Empereur tout-puissant.
— Seigneur des cieux, puis-je entrer rejoindre ma femme bien-aimée ? implore-t-il.
L’Empereur, furieux de l’audace de ce simple mortel qui ose demander asile dans son
royaume céleste, ne daigne pas même répondre. Il leve le bras et, aussitôt, le ciel s’assombrit et une large et
profonde rivière d’étoiles apparut aux pieds du jeune homme.
Des milliers et des milliers d’étoiles bleutées jaillissent
devant le Bouvier, qui ferme les yeux devant l’éclat de cette Voie
lactée.
Désormais, il y avait entre le Bouvier et la Tisserande une
barrière d’étoiles infranchissable qui, à jamais, condamne le
mortel et la déesse à rester chacun dans leur monde.
L’Empereur du Ciel croyait qu’en éloignant sa fille du Bouvier, elle se consacrerait de
nouveau à ses tâches célestes. Mais il n’en est rien. Bien au contraire, la tristesse de Jik-nyeo
redoubla. Elle pleure encore, et encore... tant et si bien que des torrents de larmes inondent la terre des Hommes.
L’Empereur, d’habitude si intransigeant, comprit soudain que l’amour de sa fille pour le Bouvier est aussi éternel que le firmament.
Un matin de juillet, il convoque sa fille :
— Jik-nyeo, ma chérie, tu dois continuer de tisser les couleurs des saisons célestes. Mais
je sais désormais que l’amour qui t’unit ton mari n’a pas de limites. Je t’autorise donc à
le rencontrer une fois par an, le septième jour du septième mois.
Tous les oiseaux du ciel,
émus par les pleurs des amoureux, forment aussitot un gigantesque pont
au-dessus de la voie lactée. D’un pas fébrile, la princesse emprunte le pont de plumes.
De son côté, le Bouvier a déjà couru vers le passage
Au milieu du pont, les deux amants se retrouvent.
Durant un jour et une nuit, leur amour éternel arrête le temps. Durant un jour et une
nuit, serrés dans les bras l’un de l’autre, ils trouvent la force d’être séparés à nouveau avec l’espoir de se
retrouver une année plus tard, au septième jour du septième mois.
Si tu veux connaître toi aussi un amour aussi fidèle que celui des deux amants célestes,
pense à eux le jour durant la fête des étoiles qui a lieu le septième jour du
septième mois selon le calendrier lunaire.
Sur une bande de papier, écris ton désir d’amour, comme un secret. Attends la nuit, puis
lève les yeux au ciel. Dans la nuit étoilée, tu verras deux étoiles, Vega et Altaïr, briller très haut
Peut-être au matin sentiras-tu une légère bruine salée sur ton visage.
Ce sont les deux amants qui pleurent de joie de se retrouver enfin.