mardi 17 avril 2012

La petite boîte de laque noire

Très belle découverte, cette semaine, de ce livre de contes venus de Chine : l'impression (devenue rare) d'y découvrir des histoires que je n'ai jamais lues ni entendues, et très bien écrites (ce qui ne gâte rien !).
Coup de coeur pour l'histoire de "la petite boîte de laque noire".  Ma petite Adèle, à qui je l'ai lue, pleurait à grosses larmes à la fin de l'histoire (et je n'en menais pas très large, pour tout vous avouer ...)


Voici comment je la raconte :
Qiu était une jeune femme, raffinée, douce et aimante.
Quand sa petite fille vint au monde, elle fut folle de joie.  Elle l'appela Aquio.
Qiu était belle.  Ses yeux en amande, paisibles, se perdaient parfois en des rêveries et des songes sans fin.  Ses cheveux étaient d'un noir de jais, et  Aqiao  y plongeait les doigts, enroulait des chignons et des tresses tandis que la voix chaude et douce de sa maman lui chantait des berceuses.  Ses bras doux et tendre enveloppaient la petite  Aqiao  lorsqu'un chagrin lui dévorait le coeur.
Zhang, son mari, était le plus heureux des hommes entre sa femme et sa fille.  Plus la petite  Aqiao  grandissait, et plus elle ressemblait à sa maman.  Seul son caractère différait : elle était plus espiègle, plus enjouée, plus chipie.  Et Zhang disait souvent : "j'ai auprès de moi l'original et la miniature !  Deux merveilles qui font la joie de ma vie"
La vie s'écoulait, tranquille.  Zhang enseignait à sa fille les mathématiques et la calligraphie.  Qiu se réservait l'apprentissage de la musique et de l'art des jardins.  Mais l'heure que préférait Aquio, c'était le soir.  L'heure où elle se couchait sous son édredon de plumes, où sa maman lui racontait des histoires, où les princes affrontaient des dragons, où les princesses s'enfuyaient des palais pour vivre leur amour avec un pauvre payson, où les serpents et les aigles parlaient comme les hommes.   Aqiao aussi était une grande rêveuse qui croyait en la magie du monde ...
Le temps a passé, et un mauvais esprit sans doute s'est agacé de les voir si heureux !  Par jalousie, par méchanceté, il a envoyé la maladie dans la maison.  Et c'est la douce Qiu qui fut touchée.  Ses joues devinrent pâles, ses yeux encore plus rêveurs ...  Ses forces, peu à peu, l'abandonnaient.  Zhang tenta tout ce qui était humainement possible pour la guérir, il appela les meilleurs docteurs à son chevet, on administra tous les remèdes, toutes les potions, mais le mauvais esprit ne lâchait pas prise !  Zhang était au désespoir ...
Un matin, à bout de souffle, Qiu appela à son chevet sa petite fille.  La fillette, les yeux gonflés d'avoir trop pleuré, s'assit au bord du lit.  Sa maman lui prit la main 
- Aqiao , ma puce, écoute-moi.  Je vais partir bientôt pour un lointain pays dont personne ne revient.  Mais je serai toujours près de toi.  Prends cette petite boîte de laque noire et garde-la toujours avec toi.  Lorsque tu auras du chagrin, ouvre-la et tu me verras pleurer avec toi.  Lorsque tu seras heureuse, ouvre aussi la boîte, regarde dedans, et tu me verras rire, et sourire !   Maintenant, embrasse-moi, petite miniature de moi-même, car je dois me mettre en route ...
Et la maman d' Aqiao s'est endormie pour toujours.   Aqiao regardait sa maman, c'était étrange, elle était toujours là, mais on aurait dit qu'il n'y avait plus personne.
Le lendemain, on a enterré Qiu.  La petite  Aqiao tenait fermement la main de son papa dans sa main droite, et fermement la petite boîte de laque noire dans sa main gauche.  
Le temps a passé.  Au début,  Aqiao  avait beaucoup de chagrin, et elle ouvrait tout le temps la petite boîte.  Au fond de la petite boîte, elle apercevait les yeux de Qiu et les larmes qui embuaient son regard.  Alors, la fillette savait que sa maman pensait à elle, et cela adoucissait son chagrin.  Les mois et les saisons ont passé.  Aqiao a retrouvé le goût de vivre.  Lorsqu'elle s'était bien amusée, qu'elle avait joué toute la journée, lorsque la vie était gaie, Aqiao ouvrait la boîte et regardait les yeux de sa maman qui rayonnaient.  Elle savait qu'au royaume de nulle part, Qiu était heureuse du bonheur de sa petite fille.
Cela a duré jusqu'au jour où  Aqiao a voulu annoncer à sa maman qu'elle était amoureuse, qu'elle avait rencontré celui qui deviendrait son époux.  Toute émue, elle ouvrit la petite boîte de laque noire, regarda ... et comprit tout-à-coup qu'au fond, était collé un simple miroir, qui lui renvoyait l'image de son propre visage.  Alors, Aqiao sourit devant la délicate et tendre ruse de sa mère.  Et le sourire qui se refléta dans le fond de la boîte était si doux, si serein, si joli, que le vieux miroir fit entendre un petit crissement et, doucement, se craquela de mille nervures.  Il avait fini sa mission.  Aqiao, à présent, pouvait suivre son propre chemin.